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Le dioxygène dans les océans Enseignement supérieur Lycée

Introduction

L’élément oxygène est le plus abondant de la croute terrestre externe, la partie de la Terre où nous vivons. Son rôle est fondamental pour la vie, que ce soit pour le dioxygène (O2) que nous respirons mais aussi l’eau (H2O) que nous ingérons et qui participe à un grand nombre des réactions chimiques dans notre corps. L’eau est aussi très utilisée dans nos industries, en tant que réactif, solvant ou liquide de refroidissement ou de chauffe.

Ce constat actuel n’est que l’aboutissement d’une longue histoire depuis la création de la Terre, l’apparition de la vie et ses grands bouleversements.

L’oxygène était d’abord présent sous forme d’eau et de minéraux oxydés. Lorsque la vie est apparue, et pendant une très longue période, le dioxygène était un déchet produit par photosynthèse par certains organismes procaryotes (unicellulaires). Il était alors rapidement capté par des puits à oxygène, principalement des espèces réductrices dans les océans (minéraux, méthane en surface, …).

Lorsque les capacités d’oxydation des océans ont commencé à être dépassées, le taux de dioxygène dans l’atmosphère et dans les océans a commencé à augmenter.

Mais ce fut un énorme problème pour la vie et même pour les roches terrestres car le dioxygène est un gaz toxique pour la plupart des espèces vivantes anaérobies, et corrosif pour les minéraux par oxydation.

Un grand bouleversement a alors eu lieu avec la fabrication de nouveaux matériaux et une grande extinction d’espèces suivie d’une évolution majeure de la vie : l’apparition de la respiration.

Le taux de dioxygène atmosphérique a continué de grimper pour atteindre actuellement environ 20,8 %.

On estime donc que la présence de dioxygène est un marqueur de vie et cette molécule est recherchée dans l’atmosphère des exoplanètes (en compagnie de O+ présent dans la haute atmosphère).

Le dioxygène dans les océans

Dans l’océan moderne, la grande majorité du dioxygène dissous dans l’eau de mer provient de la couche supérieure de l’océan par dissolution à partir de l’atmosphère, favorisée par le brassage des vagues, ainsi que par fabrication in situ par le phytoplancton.

On estime qu’au moins 50% de la photosynthèse qui produit le dioxygène présent dans l’atmosphère provient de l’environnement aquatique, en particulier du phytoplancton des océans. Mais le cycle du dioxygène est très complexe et sa concentration dans les océans n’est pas homogène, que ce soit géographiquement ou en fonction de la profondeur (Fig 1, Paulmier, 2017).

On peut tout d’abord considérer sa solubilité dans l’eau de mer. Celle-ci diminue quand la température augmente. Le dioxygène atmosphérique et produit in situ va donc être très absorbé dans les eaux polaires froides et dégazé au niveau de l’équateur. Mais là aussi la situation n’est pas simple et peut être amplifiée par les mécanismes physiques. En effet les eaux froides ont une densité plus élevée et vont donc « plonger » dans les profondeurs de l’océan en emmenant avec elles ce dioxygène dissous. C’est d’ailleurs ce phénomène qui est majoritairement à l’origine de l’oxygène présent en profondeur dans les océans même si le déplacement de ces eaux est très lent (jusqu’à 1000 ans pour que les eaux froides arrivent dans le Pacifique Nord).

L’activité biologique joue un rôle aussi très important. Le phytoplancton, en fonction de l’illumination et de la température a une activité plus ou moins intense de photosynthèse, donc de production de O2. Mais, cette activité va créer également  de la matière organique réductrice qui en s’enfonçant dans les profondeurs va être plus ou moins oxydée par le dioxygène présent et donc le consommer.

On peut donc tracer les déplacements des eaux froides qui progressivement perdent leur concentration en dioxygène à cause de cette reminéralisation.

Enfin, certaines parties des océans, lorsque les eaux sont plus stagnantes, peuvent devenir très pauvres en dioxygène. Elles forment alors des Zones de Minimum d’Oxygène (OMZ acronyme anglais), souvent en dans des endroits où les eaux circulent peu à cause de la configuration des côtes (Mer Noire, nord de l’océan Indien, dans des estuaires) ou à cause de courants qui les piègent comme c’est le cas dans l’est du Pacifique.

Zones de Minimum d'Oxygène

Fig. 1 – Schéma illustrant la répartition de l’oxygène (O2) et des OMZs* dans l’océan (fonds bleus), ainsi que les principaux mécanismes (blanc) et impacts (orange) associés, depuis la grande échelle au large (à droite) jusqu’à proximité des côtes (à gauche). © M. P. CHARRIA et A. PAULMIER.

Pourquoi étudier les OMZs ?

L’origine de la variation du taux de dioxygène marin est, on l’a vu, multifactorielle. De plus, suivant les échelles temporelle et spatiale choisies, on peut déduire de ces variations un grand nombre d’informations, en particulier sur les mécanismes de désoxygénation (reminéralisation) ou au contraire d’oxygénation (photosynthèse, ventilation). On peut par exemple se placer à l’échelle des temps géologiques et déduire des observations des fluctuations dans les conditions d’apparition ou de maintien de la vie. On peut aussi sur des temps très courts étudier l’impact de ce taux d’oxygénation sur les populations de poisson.

Ces études mettent aussi en évidence l’impact humain sur les écosystèmes, à travers le réchauffement climatique mais aussi les rejets massifs d’effluents dans les estuaires qui font baisser le taux de dioxygène marin.

En ce qui concerne les Zones de Minimum d’Oxygène (Oxygen Minimum Zone ou OMZ ; Fig. 2, Paulmier, 2017), elles ont longtemps été considérées comme des zones mortes limitant la biodiversité. On s’aperçoit cependant que ces zones abritent une vie marine insoupçonnée (espèces spécifiques) et favorisent l’émergence d’écosystèmes foisonnants à leurs frontières. Elles semblent aussi avoir un impact majeur sur les cycles biogéochimiques de la planète entre autre parce qu’elles sont le siège de la production de gaz à effet de serre ou pouvant intervenir dans la destruction de l’ozone atmosphérique.

Il faut donc mieux connaître les mécanismes d’interaction entre ces OMZs et le reste des océans pour mieux comprendre les enjeux scientifiques et écologiques auxquels nous sommes dès à présent confrontés.

Répartition des OMZs

Fig. 2 – Carte de la répartition des concentrations minimales d’oxygène (O2) dans l’océan (en µmol/litre) faisant apparaître les OMZs en bleu-gris foncé, avec les sites côtiers où des événements hypoxiques* ont été reportés (points oranges). Données issues du World Ocean Atlas 2013 et Diaz et Rosenberg, 2008. © A. PAULMIER et S. ILLIG.

La méthode de Winkler

L’une des méthodes utilisées pour doser le dioxygène dissous dans les océans a été inventée par le hongrois Lajos Winkler en 1888 pour sa thèse de doctorat de chimie, qui reste la méthode de référence pour calibrer les capteurs électrochimiques et optiques de O2 dissous.

Il s’agit d’un dosage indirect du dioxygène par iodométrie.

Dans un premier temps, on verse dans l’eau des ions manganèse (II) en excès en milieu très basique. Ces ions vont alors former un précipité marron d’hydroxyde de manganèse (II). C’est ce dernier qui réagit lentement avec le dioxygène de l’eau pour se transformer en hydroxyde de manganèse (III), stable en milieu très basique

On va ensuite doser cette espèce chimique par iodométrie. On verse donc dans le mélange  des ions iodure en excès et un acide fort (acide sulfurique concentré) pour passer en milieu acide.

L’hydroxyde de manganèse (II) en excès est alors directement dissous et donne des ions manganèse (II) tandis que l’hydroxyde de manganèse (III) va être réduit par les ions iodure pour donner lui aussi des ions manganèse (II) et du diiode.

Le diiode est enfin dosé par des ions thiosulfate.

La stœchiométrie est telle qu’il faut 4 moles d’ions thiosulfate par mole de dioxygène présente dans l’eau initialement.

Activités

  1. Etablir les demi-équations puis les équations des différentes étapes de la méthode de Winkler
  1. Sachant qu’on fabrique 1,00 L de la solution aqueuse d’ions manganèse (II) à partir de 600 g de chlorure de manganèse (II) tétrahydraté, quelle est la concentration de cette solution (appelée R1) ?
  1. Dans la méthode Winkler, on introduit 1,00 mL de solution R1 dans un volume total de 50,0 mL de solution. Quelle quantité de matière d’ions manganèse est introduite ?
  1. Pour préparer 1,00 L de la solution R2 qui permet de rendre très basique le milieu et d’y ajouter des ions iodures, on utilise 320 g d’hydroxyde de sodium et 600 g d’iodure de sodium. En déduire les concentrations en ions sodium, iodure et hydroxyde dans la solution R2.
  1. De même on utilise 1,00 mL de solution R2. Quelle quantité de matière d’ions iodure a-t-on introduite ?
  1. La solution R3 est une solution aqueuse d’acide sulfurique qui permet de dissoudre les précipités de manganèse. Pour en préparer 1,00 L, on utilise 280 mL d’acide sulfurique (H2SO4(l)) concentré pur à 98% de densité 1,84. En déduire la concentration des ions sulfates et des ions hydrogène dans la solution R3.
  1. Enfin, pour procéder au dosage, on crée 1,00 L de solution en dissolvant 2,48 g de thiosulfate de sodium pentahydraté (Na2S2O3,5H2O(s)). Puis on dilue cette solution 10 fois pour obtenir R4. Quelle est la concentration des ions thiosulfate et des ions sodium dans cette solution R4 ?
  1. Quelles précautions spécifiques faut-il prendre pour préparer toutes ces solutions ?
  1. Dans les conditions de l’expérience, l’hydroxyde de manganèse (II) peut aussi s’oxyder en oxyhydroxyde de manganèse (IV) de formule MnO(OH)2. Celui-ci réagit aussi avec les ions iodure en milieu acide pour donner du diiode et des ions manganèse (II). Montrer que cette réaction ne change pas la stœchiométrie du dosage.
  1. Vérifier la phrase : « La stœchiométrie est telle qu’il faut 4 moles d’ions thiosulfate par mole de dioxygène présente dans l’eau initialement. ».
  1. Résultats de dosage :

On définit les domaines de concentration en dioxygène dissous :

– Pour les eaux de surface: >250-1000 µmol/kg;

– Autour de 500-1000 m (hors OMZ) dans l’océan en général: 80<130 µmol/kg (plus oxygéné dans l’Océan Atlantique que dans l’Océan Indien, et surtout que dans l’Océan Pacifique (surtout Pacifique Nord), en suivant la circulation thermohaline globale de l’océan, appelée aussi « Convoyer Belt », qui démarre avec la plongée des eaux froides profondes dans l’Atlantique Nord, qui rejoignent la plongée des eaux de l’Atlantique Sud, puis l’Océan Indien, puis le Pacifique Sud et enfin le Pacifique Nord).

– Hypoxie: ~60 µmol/kg (45<120 µmol/kg);

– Suboxie: 1<20 µmol/kg (on arrive souvent à la limite de détection des méthodes/capteurs, et la méthode Winkler est limitée par la contamination en O2 atmosphérique des bouteilles de prélèvement (Niskin) quand elles arrivent sur le pont du bateau)

– Anoxie: <1 µmol/kg (on mesure avec certains capteurs jusqu’à des nano (nmol/kg), voire des pico (pmol/kg) mole de O2. Mais formellement, l’anoxie signifie qu’il n’y a plus de molécules de O2 (ce qui peut s’obtenir artificiellement en bullant avec un gaz sans O2 (e.q. N2), chimiquement (acide ascorbique, sulfites et dérivés, …) ou biologiquement (avec levures, décomposition de feuilles/matière organique, ..).

Établir un tableau reprenant les différents domaines, leur concentration en dioxygène dissous et une valeur proche de la moyenne de celle-ci.

  1. Établir un protocole permettant de doser 50 g d’eau de mer suspectée de provenir d’une zone hypoxique. On supposera qu’aucune étape de la manipulation ne contamine l’eau de départ (atmosphère contrôlée, agitation raisonnable, etc) :

Référence

Paulmier Aurélien. (2017). L’oxygène et l’océan. In : Euzen A. (dir.), Gaill F. (dir.), Lacroix D. (dir.), Cury Philippe (dir.). L’océan à découvert. Paris : CNRS, p. 64-65. (A Découvert). ISBN 978-2-271-11652-9.

Téléchargements

Le texte de cet article

Le texte de l’article d’Aurélien Paulmier

Le glossaire de l’article d’Aurélien Paulmier

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